Date de publication : 14/07/2025
Par Marion Braida
Un choc sanitaire mais surtout humain et psychologique
Lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté en 2020, l'attention s'est d'abord portée sur l'aspect sanitaire : hôpitaux saturés, inquiétudes autour du virus, campagnes de vaccination... Pourtant, au-delà des masques et des gestes barrières, c'est un autre phénomène qui s'est discrètement mais profondément installé : une crise de santé mentale.
Pour de nombreux Français, le Covid a été plus qu'un virus : il a été une rupture dans le tissu social, psychologique et émotionnel.
Il était alors nécessaire que j’en parle aujourd’hui, car un grand nombre de mes patient a été touché par les conséquences psychologiques que cette crise a créé chez eux: apparition de symptômes nouveaux de leurs pathologies, augmentation des craintes ou décompensation, enfermement plus intenses dans les symptômes des troubles mentaux (se servir du confinement comme mécanisme de défense etc).
Nous parlons d'un isolement brutal et parfois même traumatisant
Les confinements successifs ont imposé une mise à distance radicale entre les individus: Familles séparées, étudiants isolés, personnes âgées coupées de tout lien physique... Ce bouleversement a créé un sentiment d'abandon, de solitude et d'anxiété généralisée. 45 % des Français ont déclaré avoir ressenti un état anxieux ou dépressif pendant la pandémie. Chez les 18-24 ans, ces chiffres montent à plus de 60 %, révélant une forte vulnérabilité des plus jeunes adultes durant cette période.
Le choc « improbable » a parfait été tellement intense que pour certains, des symptômes de psychotraumatismes sont apparus.
Aussi, nous pouvons soulever des sujets délicats comme l’obligation à la vaccination; Un cursus de sur-vaccination parfois sans consentement réel (puisque mis au pied du mur). Là aussi la question des limites et du respect du corps propre ont été touché. Qu’est-ce que cela est venu créer dans l’esprit de certaines personnes ? Qu’est-ce que cela est venu induire chez d’autres? Qu’en est-il de la construction des enfants et des adolescents dans ce nouveau monde ?
La crise covid comme enfermement
Au-delà des libertés physiques, la pandémie a privé les individus de plusieurs éléments essentiels à l'équilibre psychologique :
- La spontanéité du lien social ( a renforcé le lien à distance qui est distordu face à la souplesse d’un lien réel. Les relations se sont modifiées, on est ensemble mais « chacun chez soi »)
- Les rites de passage (mariages, deuils, diplômes…): des étapes essentielles et nécessaires au bon développement des enfants, des adolescents mais aussi parce que l’auto-félicitation (gratitude), les jouissances communes, les moments de partages sont des ressources qui donnent du sens et nous accompagnent durant toute notre vie.
-L’accès aux soins: la perte de contact ou les confusions avec les professionnels de santé a emmené beaucoup d’anxiété dans le quotidien d’un grand nombre de personnes. La démarche des prises en charge était désorganisée ou trop « protocolaire »: certains ont cessé de consulter, d’autres ont sur-consommé les demandes médicales.
- La stabilité professionnelle: grand nombre se sont retrouvé à travailler dans un sytème «télétravail » c’est à dire à la maison, d’autres ont dû respecter un cadre strict supplémentaire (rendre des comptes de chaque sortie, calculer son temps à l’extérieur etc.). La difficulté dans le télétravail rencontrée le plus fréquemment a été ce « manque de coupure » entre le foyer et le travail, tout devenait « mélangé ».
Stress post-traumatique, anxiété sociale et perte de sens
La pandémie a été un traumatisme collectif, qui a laissé des traces visibles et invisibles. On observe donc depuis 2021 une hausse des troubles anxieux, de la dépression, d'un sentiment d'épuisement mental, et d'un repli sur soi. Certains ont vu des traumatismes anciens resurgir, liés à la peur, à l'insécurité, à la perte de contrôle.
Ce principe d’enfermement non consenti, bloquant les individus dans la peur du monde, des autres, à brisé nombreux équilibres et est venu déstabiliser les plus vulnérables.
Les enfants nés à la période des visages - masqués
D’après les recherches, les enfants naient pendant la pandémie, en gestation durant la période ou très jeune au moment des faits, auraient subi des conséquences sur leurs développements: diminution des expériences sensori‑motrices et des stimulations chez le tout-petit pendant la fermeture des lieux de garde, au manque de disponibilité des parents (télétravail ou indisponibilité émotionnelle) ou encore à la sur-exposition aux écrans.
De même, pour les enfants d'âge scolaire, la baisse des activités physiques et sportives habituellement pratiquées a pu avoir un effet sur leur développement psychomoteur, difficultés aux décharges émotionnelles et anxiété partagée avec l’environnement. Une analyse prouve aussi une difficulté communicative chez les jeunes enfants, associée au contexte développemental de la période: le port du masque par les adultes réduit les indices visuels essentiels dont les enfants se servent pour apprendre à mimer. Egalement, grand nombre de ces enfants manquent de capacité de reconnaissance émotionnelle (la lecture est difficile lorsque la moitié du visage est masquée).
Sortir de la crise : lentement, mais avec une conscience nouvelle
Depuis 2022, la France connaît un réveil progressif, mais la santé mentale demeure un enjeu majeur. Beaucoup peinent à retrouver un rythme, à renouer avec les autres, à redéfinir leurs priorités, poser leurs limites, construire des ressources.
C’est pourtant un travail crucial qui doit être mené pour chaque français ayant été touché par cette crise:
- Verbaliser le vécu de la pandémie
- Identifier les troubles
-Travailler sur l'anxiété et la solitude - Redonner du sens à sa vie
- Retrouver une capacité d’action
La psychothérapie peut être un support pertinent au cheminement vers la résilience.
Finalement, le Covid-19 a agi comme un accélérateur et un révélateur. Il a mis en lumière les fragilités psychiques, tout en soulignant l'importance du soin psychologique.
Quelques chiffres :
60% de demandes de consultations chez les 18-24 ans (psychologie)
30% de demandes de consultations pour les 0-17 ans (psychologie)
84% de demandes de consultations chez les 25-64 ans pour anxiété (Sos Médecins)
60% de demandes de consultions chez les 65 ans et plus pour anxiété (Sos Médecins)
Les études démontrent une hausse générale des épisodes dépressifs chez les 18-75 ans passant de 9,8% à 13,3% (entre 2017 et 2021)
Références:
SOS Medecin & DREES: recours aux soins d’urgence pour trouble de la santé mentale au cours de la crise liée au Covid-19 en France
Doctolib & Fondation FondaMental - Baromètre 2019-2022
Santé publique France (2022). Santé mentale
Santé publique France ( Dr Rezzoug & C. De Stafano; 2025). Les effets du confinement sur le développement des enfants encore difficile à cerner.
© Anna Shvets
